De la Sourcellerie à la Radiesthésie

Les explications de M. l’abbé Mermet sur le rayonnement des corps et sur la Radiesthésie "en chambre"

Si les sourciers se bornaient à prospecter le sous-sol et à découvrir ce qu’il renferme, si l’objet à trouver n’était toujours recherché que dans un cercle restreint, sur place ou à proximité, on admettrait assez bien qu’il n’y eût pour le pendule ou la baguette aucun obstacle qui ne fût spéculaire. L’explication scientifique de ce phénomène divinatoire ne souffrirait que peu d’objections On parlerait de radiations infimes, très plausibles pour l’eau et les métaux, de sensibilité hypertrophiée et éduquée, et tout serait dit. Les savants pourraient continuer de peser, de comparer, d’ergoter; pour le profane, il n’y aurait plus de question et peu lui importerait qu’il s’agit ou non d’une science. D’autre part, notre faculté d’étonnement se trouve tellement émoussée après les révélations de ces vingt dernières années que nous aurions vite fait de dire : à d’autres !...

Abbé Mermet

Mais voilà que les sourciers, s’ils consentent encore à découvrir des sources, évitent le plus souvent de se déranger. Ils promènent leur pendule, les pieds au chaud, sur une carte ou sur un plan. Et force nous est de convenir qu’ils obtiennent des succès ébouriffants.

Par quelle hypotypose d’un nouveau genre peuvent-ils opérer, avec résultats à l’appui, à quelques centaines, voire à des milliers de kilomètres ? Dans un autre âge, cela nous eût remplis d’une frayeur superstitieuse. Maintenant, il n’y a qu’une alternative : Ou nier malgré l’évidence ou avancer une explication. Cette explication,ces explications devrais-je dire, car, hélas on en fournit plusieurs, ne sont pas toujours d’une orthodoxie scientifique rigoureuse. Pleins de bonne volonté et désireux de "désocculter l’occulte", nos sourciers ont pillé l’arsenal de la physique sans se soucier qu’ils font tiquer les sorbonistes. Et le plus fort est qu’ils ont réussi à donner à l’abracadabrant figure présentable.

M. l’abbé Mermet a essayé l’un des premiers de rechercher les lois qui pourraient commander aux phénomènes de la radiesthésie simple et de la téléradiesthésie. Il en a déterminé quelques-unes, auxquelles se réfèrent actuellement la plupart des pendulisants. M. l’abbé Mermet est trop connu pour que nous le présentions à nos lecteurs. L’an dernier, à Paris, des journalistes lui décernèrent le titre flatteur de "prince des sourciers", que sa ronde bonhomie de curé savoyard ne l’empêche pas de porter avec élégance. Ses "consultations" et ses succès ont depuis trente ans fait chaque fois sensation. Il y a quelques jours encore, on apprenait qu’il avait décelé près d’Herimoncourt, dans le Doubs, un immense fleuve souterrain.

Dans sa patrie d’adoption, la Suisse, M. l’abbé Mermet habite à Jussy, à une demi-heure d’autobus de Genève, une grande maison claire. Au premier étage il y a installé une chapelle dédiée à sainte Madeleine, qui suffit à contenir, dans ce pays calviniste, les brebis fidèles dont il est le pasteur. De ses fenêtres s’aperçoit au loin un horizon de montagnes et l’on y sent la brise qui vient du lac où elle s’est rafraîchie. De la permission qu’il nous donne de le bombarder de questions, nous allons profiter et abuser, sûr d’avance d’un trés sacerdotal pardon.

— Vos deux principales découvertes sont bien, monsieur l’abbé, d'une part certaines lois du rayonnement des Corps, d'autre part la précision pour Chaque corps d'un chiffre et d'un sens de rotation du pendule ?

— Oui, notre hypothèse fondamentale est que tout se passe comme si tous les corps émettaient des ondulations ou radiations. Il y a des champs, ou zones d’influence des corps, qui tombent sous les sens, tels le champ musical produit par la vibration des cordes du piano et le champ lumineux d’une bougie. Mais il existe beaucoup plus de champs que nous n’avons de sens. L’ampoule à rayons X produit un champ invisible mais qui permet de voir les os ou autres corps durs en ombres chinoises. Les ondes de la T.S.F. ne sont ni visibles, ni chaudes, ni sonores par elles-mèmes, mais elles ont le pouvoir de convoyer de faibles ondes musicales, qu’un appareil approprié retransforme en sons harmonieux.

Le champ radiesthésique est de ceux qui ne tombent pas sous les sens : il a besoin, pour se manifester à nous, d’un intermédiaire spécifique, l’appareil du sourcier.

— Mais, je croyais que le pendule n'avait aucune capacité spécifique ?

— Attention ! la force qui fait mouvoir le pendule ne lui arrive pas directement, mais par l’intermédiaire du corps du sourcier. Le flux radiesthésique traverse le corps, en entrant généralement par le pied droit, et s’échappe par la main en agitant le pendule. Les oscillations et les girations de celui-ci sont produites par les contractions musculaires inconscientes déclenchées par ce qu’on pourrait appeler le passage du courant.

Revenons aux rayonnement des corps et voici les deux découvertes que j’ai faites.

Tout d’abord les corps ont un rayon fondamental partant de l’objet avec une orientation invariable, mais d’une très faible portée : Souvent quelques centimètres. Ils ont, en outre, un rayon capital, reliant l’objet au sourcier et à toute autre personne. Je l’appelle capital parce qu’il vient directement de l’objet à la tète de l’observateur, et aussi à cause de l’importance capitale de son rôle. En effet, il donne instantanément, sans qu’on ait à faire un pas — il suffit de tourner sur soi-même — la présence, la nature, la direction, la distance exactes et la profondeur approximative du corps cherché.

— Monsieur l'abbé, je perds déjà pied.

— Patience ! vous comprendrez tout à l’heure. Faisons auparavant une comparaison entre notre rayon capital et le rayon lumineux. Quand vous regardez une étoile, par exemple l’étoile polaire, ce n’est certes pas votre rayon visuel qui traverse l’espace, va se poser sur l’étoile, et revient vous renseigner. C’est la vibration lumineuse créée par la combustion de l’étoile qui fait le voyage et vient frapper vos yeux, à condition que ceux-ci soient bons, ouverts, tournés vers elle et attentifs. Ainsi, de toutes les étoiles, même de celles que nous ne regardons jamais, part un rayon lumineux qui les relie à chacun de nous; ce rayon existe indépendamment de notre attention, mais n’est réellement perçu que si nous "accordons" notre appareil récepteur par la direction des yeux, leur ouverture, leur accommodement aux distances... Eh bien, les rayons radiesthesiques se comportent comme les rayons lumineux, avec cette différence qu’ils ne connaissent aucun obstacle et qu’ils jaillissent de tous les corps. Tout de même que les étoiles nous regardent d’un rayon lumineux, les corps, et eux, nonobstant les obstacles, nous regardent d’un rayon obscur. Chaque corps, vibrant dans toutes les directions atteint constamment chaque homme du flot de ses ondes noires. Ce sont elles qui viennent à nous. Notre organisme n’est pas un poste émetteur d’ondes, mais un poste récepteur. La presque totalité de ces rayons, n’étant pas accueillis, sont perdus : Quand par hasard ils rencontrent un appareil réceptif accordé, orienté, attentif, comme les ondes hertziennes un appareil de T.S.F., ils l’actionnent et transmettent leur message.

— C'est ce qui expliquerait que la distance importe peu pour un sourcier sensible et attentif, qui sait s' "accorder" ?

— Oui, et d’abord sur le terrain. Inutile de s’y déplacer beaucoup puis que le rayon capital vient vous trouver où vous êtes. Tenant à la main le pendule, vous exécutez un tour d’horizon, autrement dit vous tournez lentement sur vous-même, en tendant le bras gauche qui sert d’antenne. Au moment où ce bras rencontre le rayon capital, le pendule oscille et donne, si c’est cela que vous cherchez, le chiffre de l’eau.

— Vous avez dit : le chiffre de l'eau ?

— Il s’agit là d’une autre de mes découvertes. A force de répéter des expériences identiques, j’ai constaté que, pour chaque catégorie de corps, le pendule effectuait un nombre donné de girations et d’oscillations, toujours le même. Chaque corps également a un sens de rotation invariable. Ainsi, pour l’argent, il y a six oscillations du pendule, suivies de six rotations : Le chiffre six est donc caractéristique de l’argent. Le chiffre de l’eau est sept et son sens de rotation est inverse de celui des aiguilles d’une montre.

— Et, sur le terrain, ces indications se reproduisent à quelque distance que vous soyez ?

— Parfaitement. De même que les appareils de photographie ont un système de réglage qui permet la mise au point depuis deux mètres jusqu’à l’infini, de même le cerveau du sourcier fonctionne comme un appareil perfectionné, entraîné et étalonné qu’il est par les expériences antérieures sur distances connues. La mise au point, ce sont les mouvements du pendule qui la font et le sourcier arrive par le rayon capital à trouver directement la distance du corps radiant qui l’émet.

— Je comprends que, sur le terrain, quelle que soit l'étendue à prospecter une longue habitude permette d'obtenir des résultats satisfaisants, puis qu'au surplus il est toujours loisible, une fois la direction trouvée, de s'approcher de l'objet recherché. Mais ce qui confond tous les profanes, vous ne l'ignorez pas, monsieur l'abbé, et ce qui les incline au scepticisme, c'est le travail sur carte ou sur plan.

— A cette question les faits seuls ont le droit de répondre. Or l’expérience, c’est-à-dire un nombre déjà considérable de prédictions vérifiées par des fouilles, permet de poser la loi suivante : Le pendule renseigne sur ce qui se trouve en surface et en profondeur dans le terrain invisible, pourvu qu’on mette sous les yeux du sourcier une représentation de ce terrain : Photo, plan, carte ou dessin. Et l’éloignement n’a aucune importance, qu’il s’agisse de dix, cent, mille ou dix mille kilomètres. Vous serez moins scandalisé si vous songez que la lumière fait 300.000 kilomètres par seconde et que les rayons radiesthésiques ressemblent fort à des rayons invisibles, infra-rouges ou ultra-violets, qui ne connaîtraient pas d’obstacle.

— Mais si le sourcier reçoit simultanément et constamment un rayon de chacun des corps existants, comment peut-il isoler celui qui vient du corps qu'il cherche ?

— Par l’attention qui crée en lui une sélection, une adaptation à tel genre d’ondes, et une désadaptation à toutes les autres. Ainsi, dans un salon où tout le monde parle, vous pouvez suivre la conversation d’une voix qui vous intéresse, et ignorer les autres voix.

— La carte servirait en somme à localiser l'attention ?

— Oui, elle concentre l’ "appareil" récepteur du sourcier sur un terrain donné. D’ailleurs un sourcier très doué et très exercé peut même se passer de carte, s’il connaît les lieux ou si on lui en fait une exacte description orale. Il arrive aussi qu’on m’envoie un fragment de carte trop petit et que le cours d’eau ou le filon que je recherche sorte des limites de cette carte. Dans ce cas, je colle des bandes de papier blanc sur les bords de la car te, pour pouvoir inscrire la position du corps recherché...

— Ah ! ce qu’on peut faire de choses amusantes avec le pendule, sans sortir de chez soi. Tenez, un petit jeu de salon : Prenez une carte, posez votre crayon sur une route fréquentée. Quand il n’y passe rien, le pendule reste immobile, mais à chaque auto qui franchit le point surveillé, il donne le chiffre du fer. Vous pourrez ainsi, de Paris, compter le nombre d’autos qui franchiront, en une heure, le pont du Mont-Blanc à Genève.

Ce que M. l’abbé Mermet ne nous dit pas, ce sont les services qu’il a rendus par la radiesthésie et que proclament les centaines d’attestations qu’il a sorties d’un tiroir, devant notre air sans doute encore un peu incrédule. Notre conversation continua, passant, en ce qui nous concerne, d’étonnements en surprises, en particulier devant les merveilles du diagnostic pendulaire, découvert, lui aussi, par M. l’abbé Mermet. Mais nous devons aller interroger un médecin radiesthésiste et nous en reparlerons avec lui.

Louis Terrenoire

L’Aube, 23 septembre 1934